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Une Suisse amnésique

Culture(s) :


23 août 2009, journée internationale du souvenir de la traite négrière et de l'abolition de l'esclavage.


L’UNESCO a fait du 23 août la Journée internationale du souvenir de la traite négrière et de son abolition.
Les divers épisodes que nous avons été amenés à dénoncer un peu partout en Suisse, et plus particulièrement à Genève (je pense à l’affaire de la jeune mère insultée au guichet d’une poste à Genève), corroborent notre profonde conviction que les mentalités n’ont pas tout a fait changé en Helvétie. Il est temps que ça évolue !

Certes, au pays de l’Oncle Sam, au moment où je vous parle, le fils d’un Africain et d’une Occidentale exerce la plus haute fonction d’état dans une nation démocratique.
Certes, un athlète du nom d’Usain Bolt, a démontré dimanche 16 août 2009 qu’un noir peut être au sommet d’une discipline sportive grâce à ses efforts et à sa force de conviction.
Certes, au Conseil National Suisse, siège, depuis octobre 2007, Ricardo Lumengo, premier parlementaire d’origine africaine.
Certes, à Fribourg, Carl-Alex Ridoré a pris place à la préfecture de la Sarine, devenant le premier préfet noir de Suisse.


Où en est-on dans la rue ? Qu’en est-il du citoyen lambda, du noir « moyen » ? Pourquoi les africains ont-ils parfois la sensation de ne pas être les bienvenus dans ce pays ?

Tous ces individus d’origine variée sont arrivés aux portes de la Suisse pour assouvir des espoirs, mus par des motivations et des revendications aussi multiples que de noms inscrits dans des permis catégorisés.
Face à cette évidence, le Suisse de la rue, le Suisse « moyen » souffrirait-il d’amnésie ?
Le peuple a tendance à oublier que ces noirs, qu’on se doit de mépriser, travaillent pour la plupart, paient leurs impôts et œuvrent à l’équilibre de cette nation prospère.
Comme nous le rappelle le chercheur Hans Fässler, l’absence d’accès à la mer n’a pas empêché la Suisse de participer activement à la traite négrière. Entre les XVIe et XIXe siècles, le fameux «commerce triangulaire» s’est organisé entre l’Europe, l’Afrique et le Nouveau Monde.
A titre d’exemple, des banques suisses ont possédé jusqu’à un tiers des actions de la Compagnie des Indes, société française qui disposait notamment d’un monopole dans la traite négrière en Afrique de l’Ouest.
Des maisons de négoces ont financé ou commercé avec des entreprises esclavagistes, alors même que certains ressortissants suisses se sont distingués dans la répression de soulèvement d’esclaves.
Bref, les implications de la Suisse dans l’histoire de la traite négrière seraient plus importantes que n’en témoignent les livres d’histoire officiels.
Dans un contexte international qui reconnaît désormais l’esclavage au titre de crime contre l’humanité, Hans Fässler affirme que la Suisse ne peut faire l’économie d’une nouvelle introspection.


«Une Suisse esclavagiste»

Ce livre parle des Zellweger d'Appenzell, des Gsell de St-Gall, des Tschudi de Glaris, des Giger de Thurgovie, des von Graffenried ou von Haller de Berne, des Burckhardt-Sarrasin de Bâle, des Leu de Zurich, des Fatio, Gallatin, et autres de Saussure à Genève, des de Meuron, de Pury, de Pourtalès à Neuchâtel... etc.
Pour Hans Fässler, la Suisse était une «puissance coloniale à temps partiel»: «Participer à hauteur de 1,5% à la souffrance de 12 millions de personnes signifie participer à la souffrance de 180'000 personnes et de leurs descendants».

En ce 23 août, il est question pour les Suisses de souche (pour autant qu’il en reste) de se rappeler que tous ces noirs naturalisés et tous les étrangers qui colorent leurs villes sont la conséquence d’une histoire commune. Une histoire dont les Suisses ont profité dans le passé. Cette histoire précisément, on tente de l’effacer. À droite, à coup de métaphores assassines, dans les guichets de la poste comme aux postes de police à coup d’insultes et d’humiliations. Cette histoire est celle d’une Suisse arrogante, qui s’est enrichie durant des siècles sur l’esclavage et aujourd’hui sur la misère de peuples se nourrissant des miettes de la vie.

Avec l’histoire, on apprend à ne pas répéter les mêmes erreurs. Ayant parcouru autant de pages sombres, Suisses et Africains, devraient écrire ensemble les prochaines pages de cette histoire commune dans le respect et la paix.


SCM Pour MIA






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